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Un article d’Henriette Walter

« L’alfonic pourrait-il aider mon fils dysorthographique ? » Oui. L’alfonic devrait être une bonne solution car tous les enfants ont du vocabulaire, mais ils n’osent pas écrire tous les mots qu’ils connaissent quand ils ne sont pas sûrs de leur orthographe, comme c’est le cas pour les enfants déclarés dysorthographiques.
Or une solution existe pour y remédier.
Afin de les aider à acquérir en douceur la maîtrise de la langue écrite, dont l’orthographe difficile du français constitue un obstacle lent à surmonter, une graphie intermédiaire plus simple, l’alfonic, a été imaginée dans les années 1970 par le grand linguiste français André Martinet. Cette graphie a ensuite été enseignée avec succès dans la région parisienne et en Provence, dès la Grande Maternelle et le CP.
L’alfonic n’est pas une nouvelle orthographe
Le but de Martinet n’était pas de créer une nouvelle orthographe simplifiée en remplacement de l’orthographe traditionnelle pleine d’embûches, mais de mettre à la disposition des enseignants un outil directement utilisable car il s’appuyait sur la prononciation des écoliers. [NdlR : découvrez ici nos jeux et activités.]
L’alfonic facilite l’expression écrite
Les résultats ont été spectaculaires : libérés momentanément de la contrainte des règles souvent fantasques de notre orthographe, et oubliant leur crainte continuelle de faire des fautes, les enfants, à notre grande surprise, se sont spontanément mis à écrire des pages et des pages. (Je peux en porter témoignage car j’ai personnellement accompagné le couple André et Jeanne Martinet dans leur expérience pédagogique depuis ses débuts, et les faits que je relate ne sont pas de seconde main.)
J’ai ainsi pu constater qu’au lieu de se trouver brutalement projetés dans les multiples exceptions de notre système orthographique, les enfants peuvent, en commençant leur apprentissage avec l’aide de l’alfonic, prendre appui sur leur propre prononciation et perdre toute inhibition.
Les raisons du succès de l’alfonic
Comment Martinet a-t-il abouti à ce résultat positif ?
Parce qu’il se fondait sur les résultats des multiples enquêtes phonologiques réalisées auprès de locuteurs du français, ce qui lui avait permis d’en déduire un ensemble cohérent de tous les sons de base permettant de s’exprimer en français. L’alfonic était né : un alphabet que chacun pouvait utiliser selon sa propre façon de prononcer les mots. Pour l’enseignant, la souplesse offerte par l’alfonic, et qui laissait chacun libre d’écrire sans la contrainte de règles orthographiques difficiles à retenir, constituait un outil précieux leur permettant de repousser à plus tard l’apprentissage, par les enfants, de notre orthographe semée d’embûches.
L’alphabet alfonic
En établissant la liste des lettres composant l’alphabet alfonic, Martinet avait en outre scrupuleusement veillé à ce que cette graphie s’écarte le moins possible de l’écriture traditionnelle du français : à chaque son pertinent du français – c’est-à-dire, à chaque phonème, si l’on préfère utiliser un terme scientifique plus précis – a été attribué une seule lettre de l’alphabet, et toujours la même. De ce fait, l’enfant pouvait les retrouver et les reconnaître comme des amis de vieille date au moment de passer à l’orthographe : la forme graphique des lettres de l’alphabet alfonic n’a pas l’inconvénient des signes parfois déconcertants de l’alphabet phonétique international (API).
Toutefois, l’alphabet latin comportant moins de signes que le nombre de phonèmes du français, des diacritiques (accent aigu, grave ou circonflexe, tréma, etc.) ont été ajoutés aux lettres de base afin de couvrir toutes les distinctions entre les phonèmes du français, comme par exemple pour les voyelles nasales [NdlR : celles qu’on entend dans ce beau chêne plat] face aux voyelles orales [NdlR : celles qu’on entend dans un bon vin blanc].
C’est ainsi que le tréma a été choisi pour noter les voyelles nasales, qui, en orthographe, nécessitent au moins deux lettres : ä pour « an », ö pour « on », etc. Lorsqu’on leur avait expliqué que la différence d’articulation entre « a » (de bas) et « an » (de banc), par exemple, tenait à ce que pour « an », une partie de l’air passait par le nez, la réaction de quelques-uns avait été : « Ah ! [Le tréma] c’est les trous du nez ! »
Le passage à l’orthographe
Il restait une autre question préoccupante pour les enseignants : le délicat passage à l’orthographe, moment crucial où les enfants pouvaient confondre les deux graphies. Pour y remédier, les enfants sont invités à écrire au moyen d’une couleur différente, et en écriture scripte [imprimée], les mots dont ils ne connaissent pas l’orthographe : une solution qui leur donnait le courage d’écrire, sans craindre de faire une faute, tous les mots qu’ils connaissent.
Enfin, une surprise attendait les enseignants : non seulement les enfants avaient appris très vite à écrire et avaient eu envie de rédiger de longs récits, mais ils avaient adoré prendre connaissance des bizarreries de l’orthographe : ils voyaient les mots écrits en orthographe comme des habits extravagants qui embellissaient les mots français : comme un déguisement pour le carnaval !
Pour en savoir plus
- MARTINET, André & MARTINET, Jeanne, Dictionnaire de l’orthographe – Alfonic, Paris, Selaf, 1980, 201 p.
- MARTINET, André, MARTINET, Jeanne & VILLARD, Jeanne, avec la coll. de D. BOYER et d’A. et G. DOMINICI, Vers l’écrit avec alfonic, Paris, Hachette, 1983, 174 p.
- NÈVE, François-Xavier, Alfonic. Écrire sans panique le français sans orthographe. Apprendre à écrire et à lire sans complexe, Liège, Now Future Éditions, 2019,222 p.
- Notre site internet https://alfonic.org/. Et plus précisément, les avantages de l’alfonic.
Henriette Walter
Professeur honoraire de linguistique à l’université de Haute-Bretagne
Présidente de la Société internationale de linguistique fonctionnelle (SILF)
Membre du Conseil international de la langue française
Ex-directrice du Laboratoire de phonologie EPHE (4e section), Paris
Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur des Arts et Lettres.
Image : bannière de l’alfonic.